Depuis 1993, les plaisanciers, pêcheurs à la ligne ou sous-marins, sont privés de la possibilité de pêcher le mérou (5 espèces) en Méditerranée française.
Plus récemment, depuis 2013, un moratoire a également été mis en place pour le corb (sciaena umbra). Dans cette lettre, nous nous centrerons sur le cas du mérou.
Ce moratoire est appliqué uniquement en Méditerranée française alors que les mérous peuvent être pêchés par les plaisanciers de manière contrôlée dans le reste de la méditerranée.
En Italie, il est possible de capturer un mérou par jour et par personne, en Espagne, la limite en vigueur est fixée par un quota journalier basé sur le poids maximum de l’ensemble des captures.
Depuis 1993, aucun pays de Méditerranée n’a suivi la France sur le moratoire du mérou et tous ont opté pour des mesures de gestion de la pêche de loisir compatibles avec la survie de ces espèces. Or, ces pays sont soumis aux mêmes obligations que la France de prendre des mesures réglementaires afin d’assurer la conservation des mérous.
En effet, ces poissons sont listés dans l’annexe III de la convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel d’Europe (convention de Berne, 1977) et dans l’annexe III de la convention pour la protection du milieu marin et du littoral de la Méditerranée (convention de Barcelone). Le moratoire n’est donc pas la seule manière pour la France de remplir ses obligations de conservation.
Nous signons ce manifeste car nous pensons que la mise en place d’un ensemble de mesures de gestion avec une gouvernance réelle est possible.
En effet, les outils de gestion de la pêche de loisir ont largement évolué depuis 1993 :
D’une part, depuis 1993, de nombreuses aires marines protégées ont été créés avec des règlements spécifiques pour la pêche de loisir associés à des zones de régulation voire d’exclusion.
En 1999, a été créé la Réserve naturelle marine des Bouches de Bonifacio.
En 2012, cela a été le tour du Parc national des Calanques, du Parc naturel marin du golfe du Lion et de l’extension du Parc national de Port-Cros.
En 2016, ont été créés le Parc naturel marin du Cap Corse et la Réserve naturelle marine de Scandola.
Ce sont au total près de 13.300 Km2 protégés en plus, par rapport à 1993 sans compter de nombreux cantonnements de pêche où autres zones protégées.
D’autre part, dans de nombreux pays, la gestion de la pêche de loisir du mérou est basée sur une limitation du nombre de capture journalière en nombre ou en poids (Espagne,
Italie).
Une élévation de la maille à la taille de première reproduction est aussi en vigueur dans certains parcs en Espagne (Cap de Creus).
Certains pays comme le Maroc ont mis en place des périodes de repos biologiques durant la période de reproduction des mérous.
Il est aussi envisageable d’appliquer un système de bague comme c’est le cas pour le thon en France.
La déclaration des captures viendra compléter ces outils et permettra de faire un suivi de l’impact de la pêche de loisir.
Nous sommes persuadés que la mise en place d’une combinaison de ces outils est parfaitement compatible avec la récupération et le maintien en état des populations de mérou.
Des projets pilotes pourraient être mis en place afin de mieux étudier l’impact de la pêche sur ces populations.
Une commission spécifique devrait superviser les mesures en place et évaluer leur efficacité.
Cependant, nous avons constaté avec stupeur qu’un quatrième moratoire allait être reconduit par un simple processus de consultation publique sans véritable étude depuis 2013 pour le justifier sur des bases scientifiques sérieuses et sans que des alternatives ne soient étudiées ni que des objectifs clairs pour une réouverture soit établis.
Comble de l’hypocrisie, il est envisagé d’ajouter au moratoire le mérou blanc (Epinephelus aeneus), dont les populations s’étendent progressivement au nord de la méditerranée alors qu’il ne s’agit pas d’une espèce autochtone. Il faudrait au contraire en autoriser la pêche afin de faire un suivi de l’extension de cette nouvelle espèce qui se déplace sur nos côtes et dont l’impact n’est pas encore connu.
Cette absurdité environnementale ne fait que renforcer la défiance des pêcheurs de loisir vis-à-vis des autorités qui régulent leur activité.
Nous croyons qu’il est possible d’ouvrir de manière progressive et contrôlée la pêche du mérou tout en préservant les intérêts des autres secteurs pour lesquels l’espèce est importante : la plongée sous-marine ou la pêche artisanale.
Il en est ainsi dans les autres pays du pourtour méditerranéen.
Un système de bagues et de repos biologique pourrait être mis en place.
Il est temps de le faire, car la protection excessive ne peut que renforcer le risque d’appropriation de cette espèce par d’autres organisations susceptibles de considérer que les bénéfices économiques de cette ressource leur correspondent.
C’est pour cela que nous appelons à un débat et à la mise en place d’une commission pour l’évaluation d’alternatives au moratoire ainsi que des projets pilotes de gestion de la pêche de loisir du mérou.
Nous demandons aussi bien évidemment que le mérou blanc soit enlevé de cette annexe car il ne s’agit en aucun cas d’une espèce autochtone.
En l’attente d’une réponse, nous vous prions d’agréer l’expression de notre haute considération.
Confédération Mer & Liberté