Durant ces six derniers mois la pêche loisir a vécu des crises qui ont révélé les défauts des autorités. Injustice, inertie et méconnaissance, ont abouti à une situation grave qui prend ses racines au printemps 2017.. Cette situation ne laissera pas le secteur de la pêche loisir indemne.
I)Pas de Neptune pour Jupiter
« Où est la mer ? » pas au gouvernement, sans secrétariat d’Etat dédié qui aurait pu centraliser toutes les problématiques de la mer, qu’elles soient économiques, environnementales, sociales, patrimoniales … Pas de guide donc pour la mer française : les décisions maritimes seront inévitablement prises au gré des dossiers. Et surtout, il n’y plus d’autorité publique identifiée dans ce mille-feuilles administratif : sans arbitre, notre mer, bien commun, se trouve livrée à la loi du plus fort.
- La leçon de la pêche électrique
Le vote du parlement européen contre la pêche électrique, s’il est confirmé dans les futurs textes, épargnera toute une chaîne alimentaire en mer du Nord. A court terme : plancton, ichthyoplancton et stades juvéniles ne seraient plus électrocutés par les décharges faites pour faire convulser des poissons plats. C’est autant de gagné face à certaines puissances de la pêche industrielle.
Félicitons l’ONG Bloom qui fut courageuse, pédagogue et salvatrice. Mais questionnons-nous : qui aurait dû anticiper et éviter le lance foudre contre des alevins ? Nos élus. Qui doit se faire l’écho d’une opinion réactive et sensible à l’environnement ? Se ressaisir du bon sens et des dossiers ? Nos élus encore.
A terme, qu’Intermarché soutienne Bloom contre les concurrents hollandais armés d’électricité ne pourrait signifier qu’opportunisme : les investissements récents en chalutiers neufs de sa flotte Scapêche en témoignent. Des esprits chagrins pourraient même conclure qu’indirectement, l’interdiction de la pêche électrique signifie que la pêche industrielle française demeure bien un secteur trop sensible pour des accommodements politiciens. . Dès lors, il faut un garde-fou à sa puissance ; si cette limite aux ravages des poissons n’est pas politique, elle sera citoyenne et efficace.
2)Un avenir risqué pour la « ressource »
La pêche industrielle spécule sur des filons, à épuiser le plus rentablement possible : le dragage-chalutage des poissons, regroupés lors du frai, en est un exemple criant.
Dans cinq ans, quelles en seront les conséquences ? La mer vidée, quelle sera la confiance entre l’électorat et les élus, qui auront démissionné de leurs responsabilités ? Hypothèse possible quand depuis aujourd’hui les ONG deviennent des expertes patentées, quand ce sont des médias (réducteurs) qui se font l’écho d’un indignation légitime, et non les ministres forcément au courant (sans jeu de mot) ?
Un article du télégramme de Brest qui ose vanter l’achat de bar en hiver, montre que la ménagère de moins de cinquante ans, la cible des publicités, ne voit pas en dessous de la surface : pas de réaction à attendre du citoyen lambda. Entre l’homme et la mer, l’argent et des réactions particulières semblent donc primer dans un far west des plafonds dorés. Les fédérations en place y ont donc un rôle à jouer : c’est leur histoire, car les pêcheurs loisirs ont appris ces conflits d’intérêts à leur dépens, et « font avec » pour sauver leur passion.
Elles alertent en direct et défendent donc la ressource : elles s’en donnent les moyens : les plus puissantes vont à Bruxelles par exemple, lieu maintenant incontournable de décisions.
Leurs représentants s’y révèlent forts, durs, surs, mobiles et surtout centralisateurs : regardez les vidéos où sont interpelées directement les autorités. Ces actions sont concertées. Seules des fédérations groupées, avec un cap commun, assurent et concentrent les énergies, comme des phares dans les tempêtes.
II) Les pêcheurs loisirs gestionnaires
Expertes, les fédérations anticipent les problèmes maritimes. Etendues, travaillant de longue haleine, et non suivant des buzz, elles visent les dangers pour l’intérêt général. Elles pourraient presque devenir le « shadow cabinet de la mer ». Elles ont acquis ces compétences comme le montrent les travaux récents des Assises de la pêche plaisance
1)La Baule 2017 : une photographie bien nette dans un flou d’intérêts
Le 12/13 octobre, les Assises de la pêche plaisance de la Baule ont préfiguré de cet avenir : un travail d’équipe. Grâce à Jean Kiffer et la FNPP à la maîtrise d’œuvre, avec les autres fédérations qui donnent corps à notre loisir (FFESSM, UNAN, FFPA). La pêche-loisir y est devenu un acteur majeur dans ce qui est nommé à tort, de manière réductrice, la gestion de la « ressource ». Comme si un poisson trophée ne réduisait qu’à son prix au kilo.
En effet, dans le lieu prestigieux d’Atlantia à la Baule, ces 3èmes Assises ont marqué une étape, comme l’a reconnu le magazine « pêche en mer » de décembre 2017. Les fédérations ont argumenté avec plus de chiffres, de faits, de compétences, que les éditions auparavant. Des questions techniques, concrètes ont été abordées : pour les pêcheurs sous-marins : la bouée, la lampe, les espèces en danger et prétendues en danger.
Mais surtout, les autorités étaient interpelées pour ne pas gérer « à la petite semaine » : à quand l’équivalent du conseil national de la pêche loisir ? A quand le portail déclaratif, obligatoire, attendu depuis des années, dont son équivalent a ét élaboré en Italie en quelques mois ? Quand les données des observations des pêcheurs compteront-elles, après des effets d’annonce il y a deux ans ?. Mais cette réflexion n’était pas que nationale. Un tissu d’associations, ça produit et questionne, concrètement.
2)La Baule 2017 : des fédérations sur tous les terrains
Ces Assises, par les questions du public et des participants, montraient que les problèmes locaux (sur-pêche, pollutions côtières et/ou fluviales, privatisations des accès) étaient pris à bras le corps par les membres des fédérations. Des études d’impact appelaient des réponses par les autorités.
En plus de ces questions locales, les représentants des pêcheurs de loisirs à Bruxelles, intervenaient pour la première fois à ces Assises, avec une pertinence et un professionnalisme remarqués, en particulier l’IFSUA (invitée par la FCSMP).
Ces Assises-colloque montraient que ces fédérations fédéraient au-delà de leur socle. Quelques mois plus tard, les luttes leur ont donné raison. Comme le montre cet hiver 2017/2018 : ils ont sorti les bonnets bleus, des arguments, des chiffres. Solidaires, ils sont devenus les plus crédibles dans un raz de marée d’indignation.
III)Les pêcheurs loisirs en colère
Le coup de massue du moratoire bar, a embrasé la communauté de pêche de loisir, en particulier les pêcheurs en apnée. Naissait un conflit lourd, dur, aux dégâts insoupçonnés à Paris.
- Un conflit dur
Sur les réseaux sociaux, le groupe « quota zéro » a canalisé une colère légitime Il l’a canalisée vers une cagnotte, analysée en montrant bien un ras le bol et une attente des pratiquants, ses membres ont réussi l’exploit de bouger la presse, et les fédérations. Interpelée, la FCSMP, en lien avec la FNPSA, informait que l’IFSUA était le moyen direct, à Bruxelles de défendre la pêche sous-marine. Par ailleurs, la FCSMP interrogeait ses partenaires historiques de lutte : FNPP, FNPSA, FFESSM. Et la FCSMP rappelait les faits, s’indignait.
Ces indignations, vus l’enjeu et l’injustice, se terminera forcément dans un tribunal : le juge palliera la carence de l’exécutif. Il décidera. Seules les fédérations entrainées à ces joutes pourront jouer cet ultime round : en l’occurrence, sur le plan national, seules la FCSMP et la FNPP apparaissent rodées. A Bruxelles, ce sera l’IFSUA et l’EAA.
2)Un conflit aux lourds enjeux financiers
Les pêcheurs de loisirs représentent un million de consommateurs, l’équivalent de 4 milliards dans la croissance. A Paris, le 6 décembre, l’intervention de Jean Kiffer, vice-président de la Confédération nationale de la plaisance et président de la commission des usagers l’a ré-affirmé, avant une vidéo de Bruno Lemaire : le poids économique de la filière doit être pris en compte dans les décisions des autorités. Un bar n’est pas un prix au kilo, mais des dizaines d’euros investis en matériel par les passionnés. Dans les services cloisonnés des organismes de recherche et le mille-feuille administratif, cette donnée apparaît aujourd’hui grâce aux fédérations membres de la CNP, depuis leur combat contre la « taxe-mouillage. »
3)Un enjeu politique massif
Au final, les décisions politiques pourraient considérer ces enjeux territoriaux globaux : poids du tourisme, valeur patrimoniale et marchande du poisson, cette matière première qui n’est pas simplement une manne pour le secteur « alimentation », industrielle. S’afficher comme ministre de l’alimentation en faisant l’impasse sur la notion des prises nobles et à lourd enjeux et complexes, c’est risquer de se faire qualifier par la communauté des pêcheurs-loisirs, dans leur jargon, de « viandard » ! Ainsi, autoriser, comme à Rochebonne, l’exploitation impudique de bars pendant le frai provoque des réactions, éthiques et légitimes des pratiquants. En effet, via une page face book, la communauté des pêcheurs loisirs s’émeut de la dilapidation d’un poisson noble comme le bar, massacré à bas prix dans ses frayères détruites par les chaluts et interdite aux passionnés. Et cette réaction fonctionne : des enseignes d’Edouard Leclerc et autres réagissent et ralentissent leur approvisionnement en bar de leurs centrales d’achat.
Mais surtout, au-delà d’un risque de non-respect de la loi par les plaisanciers (pourquoi ne pas pêcher un bar pour la table familiale quand le chalutier s’autorise le braconnage légal des prises accessoires.. ?) il y a un réel risque politique. Une défiance se renforce envers une autorité publique inexistante sur la mer et partiale dans ses décisions. Un déni de prise en compte des usagers « exclus » de la mer peut créer un mouvement de fond de lassitude face à un appareil politique apparu peu démocratique.
Encore une fois, canaliseurs (ou catalyseurs) de colère, les fédérations qui ont établis des liens jouent leurs rôles de syndicats des pratiquants. Ambassadeurs de notre passion, les fédérations présentes dans les bons bureaux représentent la diplomatie possible pour une sortie de crise.
4) Une solution au conflit ?
Au-delà d’une défense de fond, des propositions sont faites par les fédérations de gestion alternative. Un carnet de suivi, des quotas mensuels doit s’imposer face à des choix binaires a-politiques (on/off pour donner l’accès à certaines ressources ou zones). Encore une fois, avec l’appui de l’Europe, et l’écoute de Paris, des solutions techniques n’ont pu être développées qu’au sein de fédérations solides et innovantes (FNPP et FCSMP particulièrement).
Face à des autorités lointaines, désincarnées (l’Europe), ou des législateurs qui oublient l’aménagement du territoire côtier, le pêcheur loisir devient un lanceur d’alerte écouté. Quelle sera sa protection en cas des procès injustes ? Protection ultime, les fédérations pourraient alors soutenir des voix nécessaires à des débats qui apparaissent tronqués. Il faudra des fédérations réactives et aguerries.
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Tout a vacillé dans les couloirs des administrations : l’autorité publique sur la mer et sa légitimité, la notion d’intérêt public tiraillé entre respect de la ressource et calcul économique à court terme. Une troisième voie existe : consommateurs pas assez pris en compte, les pêcheurs de loisirs pourraient déjà devenir acteurs économiques. Ils sont déjà acteurs citoyens. Grâce à leurs structures, les quatre mois qui viennent de s’écouler le montrent.
Notre force politique ne pourra agir au-delà de la communication qu’au travers de fédérations présentes et écoutées à Paris, mais aussi à Bruxelles. Au milieu de ces tempêtes, elles sont les plus solides, sincères et écoutées. Elles sont déjà gestionnaires, pragmatiques et resteront crédibles.