Le conseil des ministres, rassemblant les 28 Etats membres de l’UE, s’est réuni à Bruxelles les 11 et 12 décembre dernier afin de statuer sur les taux admissibles de capture (TAC) pour l’année 2018.

Loubass FCSMP
Les faits
Sans grande surprise, le conseil a suivi les préconisations émises par la commission européenne pour préserver le stock de bars nord jugé en grande difficulté par le CIEM et a communiqué le 13 décembre ses décisions en ce qui concerne les TAC pour l’année 2018 :
- moratoire de deux mois pour l’ensemble des métiers en février-mars visant à protéger l’espèce durant la période de reproduction;
- débarquement ligneurs de 5 tonnes /an ( 10t en 2016);
- débarquement fileyeurs de 1,2 tonnes par an (250kg/mois en 2016)
- débarquement chalutiers de 100 kg par mois comme prises accessoires tolérées par bateau (400kg en 2016) ;
- aucune mesure au sud en ce qui concerne la pêche professionnelle, laissant toute initiative de gestion à la France;
- pêche récréative: prélèvements interdits sur la zone nord (no kill autorisé) et limité à 3 bars/jour sur la zone sud.

quotas bar 2018
L’avis du CIEM
- Pour la zone “nord”, suivant le principe de précaution, le CIEM recommande qu’aucun bar ne soit prélevé (c’est à dire conservé ou débarqué), ni par la pêche professionnelle, ni par celle de loisir:

CIEM nord 2017
- Pour la zone “sud”, appliquant également le principe de précaution, le CIEM recommande que les débarquements de bar par les professionnels soient limités à 2375 tonnes . Il ne se prononce pas sur les prélèvements de bar des pêcheurs de loisir:

CIEM sud 2017
- Le CIEM doit rendre un nouvel avis scientifique au début du printemps 2018 utilisant un nouveau modèle d’évaluation. Selon ses nouvelles analyses, des révisions positives des mesures récréatives peuvent être envisagées.
Commentaires et perspectives
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Des chiffres contestables
Si les inquiétudes du CIEM sur l’état alarmant des stocks de bars au nord ne peuvent être remises en question, nous nous interrogeons sur les estimations des prélèvements récréatifs réalisés en 2016. En effet, il est difficile de croire qu’entre les années 2012 (non contrainte) et 2016 (1bar/jours 6 mois) il y ait pu avoir une augmentation des prélèvements et qui plus est une inversion de la pression comparée entre pêche récréative et pêche professionnelle!
Dans l’enquête que nous avions réalisée fin 2016 auprès de chasseurs sous-marins, nous avions mis en évidence une forte baisse des prélèvement réalisés en chasse sous-marine: le nombre moyen de bar prélevé par personne et par an passant de 12,2 à 7,5 entre 2014 et 2016!On peut espérer que les nouveaux chiffres attendus au printemps 2018 seront plus cohérents!
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Des mesures uniques
Lors du conseil des ministres, notre représentant s’est employé à sauver la profession des ligneurs (pêche exclusive du bar) de la faillite, alors qu’au cours de l’année 2017 celle-ci a plutôt vu ses débarquements augmenter par rapport 2016 (1908t contre 1902t en criée; source Agrimer novembre 2016&2017)!! Un secteur économique est privilégié et un autre laissé pour compte, abandonné: quid de la filière économique récréative au nord du 48ème parallèle?
En zone sud, aucune mesure n’est annoncée pour la pêche professionnelle laissant libre cours au comité des pêches de gérer les prélèvements français, mais la pêche récréative est seule sollicitée pour obtenir une baisse globale des débarquements souhaitée par le CIEM. Il semble que nos décideurs souhaitent revoir le scénario nord se réaliser au Sud… -
Des propositions ignorées
Depuis 2 ans l’idée novatrice de mise en place de quotas mensuels permettant d’envisager une baisse des prélèvements est avancée par les représentants de la pêche loisir, l’EFTTA et l’EAA à Bruxelles. Au niveau national, notre fédération a soumis à la DPMA une application smartphone de déclaration des prises, la FNPP également. En plus du suivi des captures et de leur limitation, la déclaration obligatoire des prises permettrait au CIEM d’avoir accès à des statistiques non extrapolées sur la pression exercée par les récréatifs sur les stocks. Elle permettrait même la mise en place d’un quota global annuel des prélèvements récréatifs !
Malheureusement, si l’idée a séduit la commission européenne en 2016, cette année elle n’a pas été défendue dans les débats.
Le poids socio-économique de la pêche récréative a été maintes fois démontré. C’est un axe que nous mettons sans cesse en valeur, comment se fait-il qu’il ne pèse pas dans la balance lorsque les enjeux deviennent sensibles ? -
La représentation des chasseurs sous-marins à Bruxelles
A l’échelle européenne, la représentation des usagers ne peut être assurée que par des structures représentatives à vocation internationale, les fédérations nationales ne sont pas invitées aux débats. Seules trois structures existent pour défendre la pêche de loisir en Europe :
– l’EFTTA qui représente les fabricants de matériel de pêche;
– l’EAA qui représentent des fédérations nationales de pêche à la ligne;
– l’IFSUA qui représente des fédérations de chasse sous-marine ainsi que quelques fabricants de matériel.Les fédérations nationales sont obligées d’adhérer à ces super-structures pour faire entendre leur voix au niveau supérieur de l’Europe. La FNPP est ainsi affiliée à l’EAA alors que FCSMP et FNPSA sont affiliées à l’IFSUA.
L’IFSUA est très active dans les groupes de travail méditerranéens et atlantiques sud du MEDAC et du CCS mais par manque de représentativité d’entités françaises, elle n’a pas aujourd’hui accès aux groupes de travail atlantiques nord.Autrement dit, la chasse sous-marine n’est pas représentée en tant que telle à Bruxelles faute de soutiens des professionnels de la filière… Ce sont donc les représentants de la pêche plaisance qui défendent actuellement la chasse sous-marine en tant que pêche de loisir à Bruxelles !
Ce n’est pas pour autant que nous n’agissons pas sur les questions européennes à l’échelle nationale. Notre travail se situe au niveau des réunions qui ont régulièrement lieu à la DPMA, Direction des Pêches Maritimes et de l’Aquaculture. Nos administrateurs ministériels connaissent le positionnement commun et la solidarité qui lie les représentants loisirs sur ces dossiers. Notre travail de persuasion est en œuvre mais face à lui de puissants lobbys s’opposent.
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Quelles actions à venir?
Dans l’attente de la publication résultats de la nouvelle étude du CIEM au mois de mars , les ministres laissent entrevoir la possibilité de revenir aux mesures récréatives 2016 pour le Nord (page 16 du relevé de décisions):
Au delà, des mesures juridiques possibles sont déjà à l’étude en compagnie d’IFSUA, mais une action juridique collective plus large est également envisageable.
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Pour aller plus loin
– communiqué de presse Ministère
– réaction FNPP
– réaction CNP
– réaction IFSUA
– réaction CNPM
– réaction ligneurs, plateforme petite pêche