Bar état des lieux

By | 6 mars 2016

Le cas du Bar agite depuis quelque temps le monde de la pêche loisir et de la pêche professionnelle. Avec l’instauration de mesures drastiques prises pour sauvegarder ce poisson emblématique, l’année 2016 marque un virage sans précédent. Ce dossier retrace l’historique et les enjeux de cette décision  : quelle est la situation des stocks de Bars? Pour quelles raisons des mesures sont prises actuellement et surtout que nous réserve l’avenir ?

Un avenir où l’IFSUA et l’AF3P, qui portent notre voix  auprès de la commission européenne, auront certainement un rôle à jouer.

Situation des stock de bars

La biologie du bar et l’état de ses stocks ont été étonnamment peu étudiés au regard de l’importance considérable de cette espèce, tant pour la pêche amateur que professionnelle.

Sur la façade Atlantique, on distingue usuellement deux stocks nous concernant, un dit « Nord » qui se situerait en manche, mer du nord et le long des cotes de bretagne Nord, et un dit « Sud » qui se situerait dans le golfe de Gascogne. Deux autres sont identifiés sur les eaux irlandaises et espagnoles. Ces délimitations sont critiquables sachant que les bars sont capables de grands déplacements, mais correspondent à une répartition réelle des principales zones de frayères et reflètent des schémas d’exploitations différents. Un vaste programme de recherche (BARGIP) est en cours pour valider la délimitation de ces stocks.

  • Stock Nord :


 

Alors que de nombreux acteurs tirent la sonnette d’alarme depuis des années, les premières études complètes et précises sur l’état de ce stock sont assez récentes.

Elles montrent une situation assez dramatique, avec une baisse brutale de la biomasse d’adultes reproducteurs couplée à une diminution du recrutement (mauvaises reproductions) depuis une dizaine d’années.

 

 

A noter que l’étude de ce stock se heurte à deux écueils : la mauvaise connaissance des captures amateur, et un suivi du recrutement peu représentatif.
Le CIEM recommande que les captures totales soient inférieures à 541 T en 2016, sachant que les captures 2013 étaient de plus de 4000T !

                                

Concrètement, une telle baisse n’est possible qu’en diminuant drastiquement toutes les composantes de la pression de pêche : interdire la pêche au chalut pélagique ne suffit pas !

Pour une bonne compréhension, il faut préciser que le CIEM recommande une pression de pêche correspondant à un objectif précis dans un délai fixe : l’atteinte du rendement maximal durable dès que possible. Or la politique commune des pêches permet d’atteindre cet objectif du RMD d’ici 2020.

Il est donc tout à fait possible et légal de pêcher (modérément) plus que le CIEM le recommande, sans mettre en danger le stock, et de n’atteindre cet objectif de gestion que quelques années plus tard.

  • Stock Sud :

 

Alors que les ressentis des pêcheurs sont souvent aussi négatifs que pour la zone Nord, les études scientifiques ne montrent pas de situation aussi dramatique.
Ces études sont beaucoup moins approfondies que pour la zone Nord, et beaucoup redoutent en fait que le manque de données et de suivi ne cache un état du stock problématique.
Le CIEM recommande l’application du principe de précaution et une baisse de 20% des captures.

 

 

 

Historique des décisions :

Alors que de nombreux acteurs (plaisanciers, ligneurs, ONG..) tirent la sonnette d’alarme depuis des années, aucune mesure sérieuse de gestion n’a été prise avant l’an passé pour la zone nord, et toujours aucune mesure n’est prise pour la zone sud.. Pourquoi ?

La politique des pêches est une prérogative européenne. Or le bar est en Europe essentiellement pêché par les français. L’Europe a donc tout simplement considéré qu’il s’agissait d’une problématique française.

Coté administration française, la volonté de maintenir une forme de paix sociale a empêché l’Etat de jouer son rôle de régulateur. C’est une faute lourde de notre administration, donc nous payons le prix aujourd’hui.

Les pêcheurs professionnels via le CNPMEM disposent eux aussi des moyens réglementaires de gérer leur activité, mais en ce qui concerne le bar, ils n’ont tout simplement jamais pris une seule mesure pertinente. Méfions nous des beaux discours, les pêcheurs professionnels mettent en avant leur demande (refusée) auprès de la commission européenne de mise sous quota du bar. Soyons clair, il ne s’agissait que d’une manœuvre pour conserver leurs droits de pêche vis-à-vis des bateaux étrangers (notamment hollandais et belges) et en aucun cas une volonté de se réguler. D’ailleurs non seulement les pêcheurs français n’ont jamais décidé de mesures limitatives de pêche sur le bar dans le stock nord, mais ils n’en proposent toujours pas pour le stock sud…

Mesures d’urgence :

Face à l’absence de réaction des professionnels comme des autorités françaises, et constatant la mauvaise santé du stock, la commission européenne a appliqué en 2015 des mesures dites d’urgence. Cette procédure permet à la commission européenne d’imposer des mesures à condition que l’état du stock soit considéré comme suffisamment grave.

Seule l’étude du stock Nord permet de justifier une mesure d’urgence pour cette zone, ce qui explique que rien n’ai été imposé pour le stock sud.

L’analyse des captures montre qu’en zone Nord, l’augmentation de la pression de pêche est notamment liée au développement de la pêche au chalut pélagique.

       

La pêche amateur est mal évaluée, mais jugée représenter une part substantielle des captures.

      

Décidant de cibler avant tout ces pêches qu’elle juge les plus impactantes, la commission propose une interdiction de la pêche au chalut pélagique de janvier à fin avril, des limitations mensuelles de captures, et pour les amateurs par une limitation à 3 bars par personne et par jour.

Entre temps, la taille légale passe aussi à 42 cm pour les professionnels en zone Nord.

Fin 2015, et face à une analyse du stock encore plus mauvaise, la commission propose à nouveau des mesures d’urgence. Quand bien même les impacts des mesures de 2015 n’ont pas été mesurés, la nouvelle recommandation du CIEM (541T de captures, ce qui doit être supérieur aux seules captures accessoires, c’est à dire involontaires !) est tellement basse que la commission veut aller beaucoup plus loin et impacter lourdement toutes les pêcheries pêchant du bar.

Au final, la pêche sera interdite les 6 premiers mois de l’année pour les chalutiers et senneurs contre deux mois pour les ligneurs et fileyeurs. Des limitations mensuelles de captures sont décidées, assez drastiques pour ne pas inciter les chalutiers ou les bolincheurs à cibler le bar.

Coté plaisanciers, la situation est aussi lourde : No kill les 6 premiers mois de l’année, puis 1 bar par personne et par jour. Le couperet n’est pas passé loin, puisque le No kill annuel a été discuté en réunion, de même que l’interdiction pure et simple de la pêche pendant 6 mois.

Et demain ?

Ces mesures d’urgence ne sont valables que pour l’année 2016, et qu’en zone Nord.

Au-delà, le parlement européen a annoncé sa volonté de mettre en place un plan de gestion du bar.

Il serait en effet sain de sortir de ces mélodrames de fin d’année pour avoir une gestion pertinente à moyen terme !

Quelles mesures seront prises ? Tout reste à débattre, les instances et modalités de décisions diffèrent beaucoup des mesures d’urgence.  En l’absence de plan de gestion pertinent, il apparait probable que la commission impose à nouveau des mesures d’urgence en 2017, via une procédure qui laissera beaucoup moins place aux dialogues et aux échanges que l’élaboration d’un plan de gestion.

On ne peut que supposer que les constats déjà partagés serviront de base pour les discussions, à commencer par le fait que la pêche en période de fraie est la première responsable de l’augmentation de la mortalité par pêche et doit être drastiquement diminuée. Enfin, la situation du stock sud pourra être abordée.

Clairement, la commission a accepté de sauver les ligneurs et les fileyeurs (alors qu’initialement elle proposait pour eux aussi 6 mois de moratoire), mais a sacrifié tous les autres. La bonne image médiatique de ces métiers et la non possibilité de reports sur d’autres espèces a joué en leur faveur.

        

Les débats doivent nous interroger sur notre responsabilité, sur les mesures que nous sommes prêts à accepter ainsi que sur les mesures que nous voulons voir appliquer aux pêcheurs professionnels.

Il apparait utopique d’imaginer que les futures mesures de gestion ne toucheront pas les chasseurs sous marin. Nous devons au plus vite clarifier nos objectifs (interdiction de toute pêche ciblée en période de fraie, protection des bars de moins de 42 cm, pas de limitations trop contraignantes pour les chasseurs) et statuer sur les concessions que nous sommes prêts à accepter pour atteindre des objectifs (quota journalier, mensuel ?).

Enfin, pour faire entendre notre voix au parlement européen (dont l’immense majorité des membres ne sont non seulement pas français mais même pas concernés par la pêche), et dans une moindre mesure auprès de la commission européenne et du conseil des ministres, nous devrons préciser nos positions et peser avec soin nos alliances.

        

 

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