Le Bar en Manche : une bataille perdue dans un combat difficile
Interdire la capture d’une espèce emblématique comme le bar six mois de l’année en Manche, pour n’autoriser qu’un seul prélèvement/jour les 6 mois restants est scandaleux. A Bruxelles, le pêcheur loisir français vient d’être floué, ses défenseurs traités à la petite semaine. Certes, on pourrait se féliciter de l’absence de chalutage sur les frayères, disserter sur le sauvetage de la petite pêche, mais cette mesure couperet illustre une décision irresponsable prise de façon partiale dans un contexte d’affolement!
Les mesures
– prohibition de 6 mois (janvier à juin) pour tout type de pêche (commerciale et récréative), sauf les arts mineurs (palangres, hameçons et trémail), qui bénéficieront d’une prohibition de 2 mois (février et mars)
– limite de captures à 1300 kg par mois et par embarcation pour les arts mineurs et 1000 kg par mois pour le reste.
– durant les 6 mois de prohibition, les pêcheurs récréatifs pourront appliquer la capture no kill. Hors de ces 6 mois, la limite de capture sera de un bar par jour et par pêcheur.
Ces mesures s’appliqueront à partir du 16 janvier 2016 en Irlande, au Royaume Uni, en France, au Pays Bas, en Belgique, en Allemagne et au Danemark.
A Bruxelles : une décision sur le bar prise sous l’emprise de la panique
Face à l’état alarmant du stock bar en Manche Mer du Nord, la décision européenne sur le bar pour 2016 est dictée par l’urgence de la situation. L’idéal aurait été de fournir les efforts bien avant et de permettre une restauration du stock sur plusieurs années, car si cette mesure est réellement appliquée, elle va impacter de façon très significative toute la filière nautique liée à la pêche plaisance – fabricants de matériel de pêche de chasse sous marine, de bateaux, tourisme – et la mettra en péril dans les régions concernées.
Malheureusement, la décision de décembre 2015 est à la fois tardive et brutale.
- L’urgence au niveau des décideurs européens
La commission Européenne se base avant tout sur les avis du CIEM (Conseil International pour l’Exploration de la Mer).
L’objectif, suite aux avis du CIEM, est d’atteindre le rendement maximal durable (RMD) progressivement jusqu’en 2020. Or, la commission européenne a choisi de restaurer le RMD au plus vite en 2016.
Prendre des mesures drastiques pour restaurer le stock très rapidement, sans se préoccuper des conséquences économiques ou sociales, est irresponsable. Surtout que la restauration du stock était envisageable sur du moyen terme -5ans- sans impacter aussi fortement les filières professionnelles et loisirs. Les fédérations de pêche loisir avaient déjà préconisé la prise en compte économique de la filière plaisance, mais la commission n’en n’a pas tenu compte.
- La pêche loisir, le bon élève puni
Depuis déjà plusieurs années, les fédérations signataires de la charte d’engagements et d’objectifs pour une pêche maritime de loisir éco-responsable dénoncent ouvertement la pêche intensive sur les frayères en pleine période de reproduction ; cette pratique qui s’est généralisée suite au moratoire sur l’anchois en 2005, est en grande partie responsable de la détérioration de la ressource.
Nous avons également accepté, pour lutter contre le braconnage, le marquage du poisson, de même, nous avons demandé aux pêcheurs de loisir de respecter une période de repos biologique dès l’année dernière. Conscients des difficultés avérées de la ressource, nous avons proposé fin 2012 le passage de la taille minimale de capture du bar à 42cm, taille rappelons-le au-dessous de laquelle, le bar ne se reproduit pas. La pêche professionnelle a refusé de s’aligner et a continué de pêcher de façon irresponsable à 36cm, aggravant ainsi le problème avant qu’elle ne soit forcée à le faire en 2015. Ainsi, depuis la mise en place de cette mesure, on estime que les prises des plaisanciers ont sensiblement diminué selon les secteurs. Les chiffres sur lesquels s’appuie la CE ont été établis à partir de données antérieures à 2012 et ne tiennent donc pas compte de la baisse induite par ce changement de taille.
L’application en France d’une mesure injuste dès 2016 ou existe-il un répit ?
Des marges de manœuvres comme l’augmentation de la maille, des protections spatio-temporelle (protection des nourriceries), le début de la période de repos dès décembre (mois de reproduction à la différence de Juin) auraient été préférable à une mesure drastique. Mais le 1 bar/jour 6mois l’an risque bel et bien de devenir le quotidien des pêcheurs loisirs de Manche.
Pourquoi ? Nous constatons que la France qui pourtant représente une masse considérable de pêcheurs de loisir n’a pas voulu être force de proposition pour eux et devenir un modèle au niveau Européen.
- Le lobby pêche loisir isolé
La disparition de la concertation entre l’Etat, le CIEM et le monde de la pêche loisir risque de se traduire aujourd’hui par ces mesures chocs. Mesures qui vont avoir l’impact d’un tsunami au niveau de la filière pêche de loisir. Or, les Assises de la pêche plaisance, la création de la confédération du nautisme, montrent que la myopie de Paris vient à contre-courant du développement de la force politique et économique de la pêche loisir.
- Quelles perspectives
Au conseil des ministres européens en charge de la pêche, notre ministre n’a pas su ou pu défendre le monde de la plaisance qu’il était sensé représenter. Il est impératif que le dialogue entre l’Etat et les Fédérations soit restauré d’urgence. La réactivation récente de l’interface nationale Charte d’Engagement pourrait bien représenter le vecteur de négociation qui a fait défaut ces derniers temps. A Bruxelles, seules quelques structures internationales représentent et défendent la pêche récréative, noyées dans un florilège d’ONG bien installées, leur marge de manœuvre est limitée. Il s’agit de l’Alliance Européenne des Pêcheurs de Loisir, EAA (Européan Anglers Alliance), l’Association européenne des fabricants et grossistes de matériel de pêche sportive en mer, EFTTA, et l’IFSUA, International Forum for Sustainable Underwater Activities, pour la chasse sous-marine. C’est donc au niveau de nos politiques que nous devons avant tour agir afin que ceux-ci soutiennent de façon efficace notre activité!
Les mesures d’urgence prises pour 2016 feront place en 2017 à de nouvelles mesures négociées visant des objectifs à moyen ou long terme. Par ailleurs il est primordial qu’une réflexion soit menée sur le plan national au sujet des mesures à prendre pour la zone VIII afin d’éviter à l’avenir la répétition de ce scénario catastrophique pour les pêches de loisir et professionnelle.
A ce titre, une maille à 42cm et une période de repos de 2 mois sur les eaux territoriales françaises et l’instauration d’un quota journalier (5) serait un moyen d’agir en amont pour la préservation des stocks dans le Golf de Gascogne.
Par l’intermédiaire de l’AF3P, et de l’IFSUA à Bruxelles, la FCSMP a fait valoir son point de vue. La commission et les gouvernements des pays européens sont restés sourds, nous allons tout faire pour contester l’incohérence de ces mesures tout en demeurant force de propositions.