N2000 : Tensions en baie de Seine

By | 24 février 2014

Avec l’élaboration du DOCOB du site Baie de Seine Occidentale et Récifs et marais arrière-littoraux du cap Lévi à la pointe de Saire, Natura 2000 en mer entre dans une nouvelle dimension : c’est la première fois que les mesures de gestion envisagent d’interdire tout prélèvement sur une vaste zone !

Le 18 février, à la stupeur générale, celles-ci ont été présentées aux usagers lors d’un Copil. D’ores et déjà, la concertation s’annonce tendue.

Dans ce compte-rendu de réunion , Pierre Feuilly vous livre les faits, les  enjeux ainsi que les perspectives d’un avenir peu radieux en ce qui concerne nos usages.

 

Compte rendu de réunion du 18 février à Cantepie

Le but de cette réunion était de commencer la rédaction du DOCOB, le document d’objectifs visant à mettre en place des mesures de protection des habitats et de la faune de la zone « Baie de Seine Occidentale ».

Cette zone fait 465 km2, elle s’étend loin vers le large entre 4 et 13 milles nautiques de la terre et elle est délimitée au Nord par la pointe de Saire et à l’Est par la Pointe du Hoc.
Une autre zone N2000 jouxte la Baie de Seine Occidentale, il s’agit de la zone « récif et arrières littoraux du Cap Levi a la Pointe de Saire », et beaucoup plus a l’Est s’étend la zone « Baie de Seine Orientale ».

Le classement de ces zones N2000 est louable, il s’agit de protéger des zones écologiques remarquables. Initialement destinée à prendre en compte uniquement les populations d’oiseaux, de mammifères marins et de poissons amphihalins cette protection est en train aujourd’hui de passer à un niveau supérieur, du fait des engagements de la France au niveau Européen.

Il s’agit maintenant de protéger l’ensemble de l’écosystème et les mesures de gestion qui nous ont été présentées consistent :

  1. A interdire progressivement le chalutage dans la bande des 3 milles nautiques
  2. A mettre en place des zones interdites à toute pêche (de loisir ou professionnelle)

Depuis 1990, il est interdit de chaluter dans les 3 milles mais des dérogations ont été accordées depuis 24 ans, année après année pour autoriser les chaluts à lançons, à sole, à seiche, à maquereaux, les dragues à moules et les dragues à coquilles.

Il y a aujourd’hui une réelle volonté de changement de ces pratiques destructrices des habitats côtiers :

  • Le chalut à sole est interdit depuis le 31 décembre 2013.
  • Il est envisage de reconvertir le chalut a seiche vers l’utilisation de casiers a seiche.
  • Le chalut à maquereau devrait passer en chalut pélagique pour ne pas toucher le fond.

Cette mise en place progressive (le mot est important !) devrait améliorer l’état da ressource de la zone, mais retire une très vaste zone aux professionnels.

Dans un souci d’équité entre la pêche professionnelle et de loisir, mais également pour répondre aux engagements du Grenelle de l’environnement, il est également proposé de mettre en réserve quatre zones distinctes.

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Zone 1 :  En partant de l’Est , la première est celle de la Pointe du Hoc, haut lieu touristique de la seconde guerre mondiale elle est fréquentée quotidiennement par des centaines de visiteurs. C’est pourtant là que s’est installée une colonie de phoques qui se porte bien, elle est actuellement en augmentation.

Cette zone est très petite, elle mesure environ un kilomètre de long et s’étend à 200m au large. Elle est difficile d’accès depuis la côte et il est possible de chasser plus à l’Est, au Nord ou a l’Ouest.

Zone 2 :  Ensuite vient la zone de la Baie des Veys. Très vaste, elle couvre l’ensemble de l’embouchure de la Douve (la sortie du canal de Carentan). C’est une zone ostréicole qui est une nourricerie avérée des oiseaux marins, des juvéniles de plies, soles, bars, turbots, etc… La turbidité de l’eau ainsi que la présence de parcs a huitres renvoie notre pratique sur les bords de la zone, mais en revanche de nombreux pêcheurs à la ligne en bateau ou en kayaks sont présents ici.

Spécificité de la zone : la pêche à pied resterait autorisée.

L’épave du Charles Morgan ainsi que les épaves plus au Nord seraient hors du périmètre de la réserve. Idem pour le plateau de roches couvert de sargasses devant Grandcamp.

Zone 3 :  Une réserve viendrait englober les deux îles St Marcouf sous la forme d’un carré de 1 milles de coté, supprimant de fait toute possibilité de pêche a proximité des îles.

Le but est ici de créer une réserve nationale, le cœur de réserve étant situé sur l’île de terre qui est déjà classé comme réserve ornithologique et où il est interdit d’accoster.

Le périmètre envisagé nous pose problème à plusieurs titres : l’objectif halieutique que constitue les îles les plus septentrionales de France cessera d’exister pour la pêche à pied, la CSM, la ligne et les casiers. Le panorama est exceptionnel et justifie à lui seul la navigation. Retirer les îles n’affectera certes que les propriétaires de bateaux mais risque d’impacter toute l’économie de la zone.

Zone 4 :  Enfin la dernière zone est très vaste et englobe complètement l’île de Tatihou, part du Vitequet (la Pointe de Saire), descend au Sud jusqu’a la cardinale du Gavendest (en englobant le plateau rocheux Ouest-Drix) et part ensuite sur le bout de la Hougue.

Tout le plateau de roches marqué par les bouées cardinales du Creux de bas, du bout du Roc et du Manquet serait dans la réserve. Comme la Baie des Veys, il s’agit d’une zone ostréicole qui est une nourricerie avérée des oiseaux marins, des juvéniles de plies, soles, bars, turbots et qui est située a l’embouchure de la Saire, rivière remontée par les saumons et les aloses.

Les pratiques de pêche sont ici très nombreuses et variées : chasse à la palme, à la planche, en kayak et en bateau. C’est une zone bien abritée des vents d’Ouest qui reste très riche du point de vue halieutique.

Il nous a été présenté une étude des effets de réserves de pêche à travers l’étude d’une dizaine de cas, des zones très grandes ou très petites, et il apparait que les effets bénéfiques sur la ressource apparaissent dans la majorité des cas.

Nous n’avons pas contesté l’utilité de ces réserves, et comme nous l’avons exposé en séance, nous avons rappelé être de fervents partisans de la protection de l’environnement à travers :

  • la signature de la Charte de la pêche de loisir
  • la maille biologique du bar a 42 cm
  • le repérage des zostères de la zone N2000 adjacente
  • notre participation aux signalements de poissons lunes, mammifères marins, la collecte des œufs de raie

Il a été également rappelé le fait que la CSM est une activité de pêche ciblée qui épargne les juvéniles et n’impacte ni les mammifères marins, ni les oiseaux, ni les poissons amphihalins, ni les habitats.

Mais nous avons également fait valoir que les 5% (25km2) de zones rocheuses de la Baie de Seine Occidentale passaient à 90 % environ en réserve.

Il va sans dire que notre pratique pourrait être amenée à disparaitre de la zone si nous acceptions ces réserves en l’état, ne resterait en tout et pour tout que le plateau de Grandcamp, les Roches de St Floxel et quelques épaves pour les chasseurs les plus profonds d’entre nous.

En résumé

Les changements de pratiques de chalutage, s’ils ont réellement lieu, devraient profondément affecter la pêche professionnelle, et notamment les petits bateaux qui ne sont pas en mesure de pêcher loin au large. Cette seule mesure devrait améliorer le bon état écologique de la zone.

La mise en place des réserves n’est pas à prendre à la légère puisqu’il s’agit de renoncer complètement à des lieux de pêche : une fois mise en place une réserve n’est plus jamais ouverte.

Toute l’économie de la pêche de loisirs (magasins d’articles de pêche, nautisme, camping, hôtellerie) risque de s’en trouver affectée.

Il y a également un risque certain à déplacer vers le large les pêcheurs de loisirs pratiquants à la planche, en kayak ou sur de très petites embarcations.

Enfin des conflits d’usage risquent d’apparaitre du fait de la concentration des pêcheurs sur les seules zones rocheuses autorisées.

Je terminerai en disant que nous avons pris de l’avance sur la plupart des zones Natura 2000 en mer parce que nous sommes dans une des quatre zones pilotes qui préfigure ce que sera la politique de protection du milieu marin pour la France dans les années a venir.

Saluons le fait que nous ayons la parole et une certaine possibilité d’influer sur le cours des choses mais ne nous trompons pas : il nous a été signifié que si nous ne faisions rien aujourd’hui pour faire évoluer les propositions, il n’est pas certain que nous ayons toujours notre mot à dire dans le futur.

Actuellement, un front commun de la pêche de loisir est en train de s’organiser: Forts de leur expérience commune des assises, pêcheurs à pied, pêcheurs du bord, plaisanciers et chasseurs sous-marins sont prêts à défendre à l’unisson leurs intérêts !

Pour conclure, j’invite tous ceux qui souhaiteraient faire entendre leur voix à rejoindre la FCSMP.

Plus nous serons nombreux et mieux nous serons entendus !

 

P. Feuilly

 

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